Texte par : Nour ASALIA – sculptrice et chercheuse en esthétique et art contemporain.  

Mohamad Omran nous  rejoint  aujourd’hui,   à Paris son lieu de résidence actuel,  après des années d’expérimentations  dans son  atelier de Damas (jusqu’en 2007),  conforté d’une mémoire artistique qui lui permet d’approfondir ses recherches.

Le corps humain a toujours  constitué le centre d’intérêt essentiel de son travail,  pratique ainsi que vision  théorique. En fait  le corps n’est pas représenté d’une façon simple selon les critères classiques,  car depuis les années où il était étudiant à la faculté des beaux-arts de  Damas,  il était à la recherche d’une relation qui pouvait  être entre  le corps humain et  les éléments rigides,   représentés souvent par des volumes géométriques neutres et inertes, et  qui formaient des points de repère pour les expressions corporelles intenses.

Il s’agissait  surtout, pour lui,  de mettre en relief le contraste entre le mobile et l’immobile.

En regardant de près son travail au cours des années nous remarquons  les  grandes transmutations qui ont mené à la formule actuelle présente dans sa série « Attente »,    là  il opte pour l’utilisation des techniques et des outils emprunté au  dessin dans ses constructions sculpturales.

L’interaction entre les arts a tout le temps révolutionné l’art. Le  jumelage entre diverses techniques a toujours été dans l’histoire de l’art une source de nouveauté.  Citons à titre d’exemple les travaux de Jean De Bouffi   qui apparaissent comme une transition  du dessin de la perspective à deux dimensions  à une perspective à trois dimensions. Aussi l’inverse fut  effectué dans les dessins des cubistes qui voulurent réinvestir les pratiques à trois dimensions dans la peinture, ce qui a abouti à la naissance  de l’art du  collage et du cubisme.

Ainsi quand Omran a voulu adopter un style moderne et contemporain   le résultat fut le recours à un style et une couleur  unifiés  pour marquer le corps dans ses sculptures et dessiner  les contours de l’œuvre, il trace ces contours  avec un canif en l’utilisant comme si c’était un crayon qui marque des lignes sur la surface d’un tableau.

Les condensations dans cette série  ne sont pas arbitraires ;  cette  simplification des traits  prépare le terrain vers une nouvelle étape dans la recherche d’un nouveau style, c’est  là que nous remarquons comment  Omran  abandonne le principe classique du recours aux règles imposées par l’anatomie du corps humain  vers la dissection de l’idée qui est derrière l’œuvre.

Dans ses dessins,  la disposition   des corps,  la relation entre eux et  l’enchevêtrement de leurs  membres créent une ambiance de parodie face à la brutalité de la réalité.  Aussi l’artiste analyse et recrée l’espace à travers l’interférence entre les surfaces plastiques qu’il produit. Ici la nature  du lieu se limite à être un moyen pour  donner aux personnages leurs identités.

Cette  même conception  du lieu est très claire dans ses sculptures. Les dispositions des « spectateurs » sculptés sont très diversifiées et c’est exactement la même situation d’un  public réel, dans le sens où le spectateur peut prendre une décision face à l’œuvre en changeant l’optique du regard et cela veut dire aussi qu’il devient partie prenante de ce public sculpté. Il peut le regarder de côté comme de derrière, ou bien se positionner hors du travail en le regardant  de face.

Là apparait un des plus importants  traits des personnages de la nouvelle collection de 0mran ; ce sont des spectateurs  silencieux, et l’absence des yeux ou leurs dissimulations,  renvoient directement à un public d’auditeurs, viendra après  la mollesse des corps pour  intensifier cette impression.

Omran est un des artistes les plus  influencés  par les violences que subit  son pays, en premier lieu  la révolution syrienne l’a incité à changer  ses sujets, puis  le corps y  a pris un sens tout à fait  différent par rapport au passé, il passe   du corps violenté au corps aliéné et le corps silencieux ou le corps offensif  ou même le corps du dictateur etc. les métaphores sont très claires dans ses dessins,  là  où la dislocation  et la déformation vont  le plus loin possible quand il s’agit du corps de celui qui porte l’arme.  Par contre quand il s’agit des  corps des martyres ils baignent dans une ambiance de légèreté et  d’immobilité.

Enfin c’est une expérience ramifiée de sorte qu’il parait difficile de la restreindre en un seul élément, il serait intéressant de rappeler à ce propos les micro-séquences de vidéo réalisées par Omran avec d’autres artistes,  où l’on voit une vision créative et moderne de la sculpture mobile, qui se transforme, puis  se métamorphose pour  disparaitre à la fin.  Les œuvres  très diversifiées de Mohammad Omran reflètent un affranchissement des moyens d’expression chez l’artiste et une forte interférence avec la réalité. Dans son exposition à la galerie Europia entre le 19 Janvier et le 17 Février l’artiste expose des sculptures de la série « Attente » ce sont  des formes et des situations diversifiées qui ressemblent  à notre réalité actuelle.

 

Texte par Nour ASALIA 2017